ZIED ZOUARI, Maqâm Roads (PIAS/Accords Croisés)
La Tunisie est en train d’émerger depuis quelques années comme le foyer de musiciens parmi les plus remarquables du monde arabo-musulman : Tunsie/Liban/Turquie seraient ainsi, à cause de leur identité historiquement profondément multi-culturelle, qui favorise l’effervescence musicale comme on sait,les 3 pays qui brillent aujourd’hui par leurs talents exceptionnels.
Pour la Tunisie, Anouar Brahem avait montré la voie, il y plus de vingt ans de cela. Désormais, dans son sillage, toute une jeune génération d’artistes, formés dans les excellents conservatoires d’un pays où le peuple entier est épris de musique, toutes classes confondues, sont en train d’inventer, à l’instar de leur célèbre aîné, un langage musical neuf.
Et ce langage neuf est construit sur une maîtrise instrumentale parfaite, mais surtout, à l’image de ce pays situé au coeur de la Méditerranée et de toutes les routes commerciales anciennes du Nord au Sud comme de l’Est à l’Ouest, carrefour donc de toutes les cultures depuis les Empires romain et ottoman, il est construit sur une culture générale musicale très riche, puisant aussi bien aux sources traditionnelles arabes qu’à l’Europe, à la Turquie, et à l’Inde, qui ne l’oublions pas était assidûment fréquentée autrefois par les marchands arabes de soieries, d’étoffes et d’épices, et a ainsi profondément influencé la musique arabe…
Voici donc Zied Zouari, un nom avec lequel il faudra compter désormais, jeune violoniste formé au Conservatoire de Sfax, ville côtière importante du pays, au riche passé historique de port de commerce. Dans la famille de jeunes musiciens tunisiens remarquables, nous avions déjà, violoniste également à bel instrument qu’est la viole d’amour, Jasser Haj Youssef, qui trace désormais une belle route.
Zied Zouari est accompagné ici du bassiste et chanteur turc Abdurrahman Tarikci, qui nous chante de bien belles complaintes avec sa voix grave (voir « Flowers ») ; ainsi que du batteur-percussionniste arménien et français Julien Tekeyan.
L’Egypte – où les violons sont rois, toute la musique populaire égyptienne du XX° reposant sur des orchestres dominés par ces instruments – mais aussi la Turquie, l’Inde, et même l’Afrique saharienne – car la Tunisie était jadis le débouché des routes commerciales trans-sahariennes – sont ici présentes. Ainsi lorsque Zied Zouari joue de son violon en pizzicato (avec les doigts et non l’archet), imitant le son d’une kora (dans « No bow no cry »). L’islam est présent également, cet islam populaire des rites magico-religieux de la « hadra », fortement imprégnés des rythmes et rites des Noirs d’Afrique installés autrefois dans le Sud du pays, chants où le nom d’Allah est répété à l’envi, sur un accompagnement de ces castagnettes de métal que sont les « karkabous ».
Un immense bravo à ce talentueux artiste, qui n’est, c’est évident, qu’au début d’une belle et féconde carrière…