TUNISIE : SALIHA, star de la chanson tunisienne d’autrefois

SALIHA, La chanson éternelle, Al Fan, distrib. DOM Disques

5Saliha fut l’une des stars de la chanson tunisienne pendant les années 40 et 50. Cet album est issu d’un enregistrement “live” d’un concert donné en 1957 à la salle Al Fath de Bab Souika, à Tunis, en présence du Président Habib Bourguiba, alors que l’artiste était accompagnée par l’orchestre Al Manar, dirigé par Ridha Kalaï.

La vie de Saliha (1914-1958) a été évoquée dans le très beau livre qui raconte la chanson tunisienne de la première moitié du XX° siècle à travers ses figures importantes: “Tunis chante et danse, 1900-1950”, par Hamadi Abassi et Hatem Bourial (Editions Alif, Tunis, 1991, réédition Editions du Layeur, Paris, 2000). Née dans la région rurale du Kef de parents venus d’Algérie, Saliha est placée, encore fillette, comme bonne, avec sa soeur Elija, dans la maison de Mohamed Bey, frère de Moncef Bey qui sera Bey de Tunis de 1942 à 1943. Mohamed Bey est cultivé et mélomane, et organise des soirées, dans son palais de la médina, où il convie des artistes – dans une ambiance que l’on imagine proche de celle décrite par le cinéaste indien Satyajit Ray dans son film “Le salon de musique”…

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En 1927, c’est-à-dire à 13 ans, Saliha est engagée comme domestique chez la chanteuse Badria, et plonge encore davantage dans les milieux artistiques de la capitale tunisienne. Elle commence à chanter à son tour, et se produira sur scène pour la première fois en 1938. La Rachidia, la célèbre école de musique, a été créé 4 ans plus tôt, pour défendre le patrimoine musical tunisien, en réaction à l’envahissement, à travers la radio qui se répandait alors dans les cafés et les ménages, c’est-à-dire dans l’espace public et dans les espaces privés, des chansons moyen-orientales. En réaction aussi à l’envahissement des chansons en français – on est en pleine période coloniale – venues de France mais aussi… d’Algérie (qu’on se rappelle par exemple le tube algérien que sera “Chérie je t’aime chérie je t’adore…”).

Saliha intègre la Rachidia, et fera une carrière qu’une maladie incurable viendra précocement arrêter, en 1958. Signe de son immense popularité: son cortège funèbre est suivi par 20.000 personnes, et plus de 50 ans après sa mort, youtube continue de l’immortaliser et les fans de laisser des commentaires enflammés…
A l’écoute de ce disque, on ne peut s’empêcher toutefois de penser, malgré les efforts de la Rachidia pour juguler l’influence moyen-orientale en Tunisie, à Oum Kalthoum, en pleine gloire au moment où Saliha chantait, et dont cette dernière imite, consciemment ou non, les longs “Aaaaaaaaah” de soupirs extatiques. Ou au Liban, dont la musique commençait à être popularisée au Maghreb à travers les comédies musicales filmées, car Saliha chante ici parfois sur des rythmes de dabké, la danse traditionnelle libanaise… Mais c’est bien en arabe tunisien que chante la grande artiste, qui a aujourd’hui, comme hier, statut de symbole national en Tunisie…
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