Le monde en musiques

 TUNISIE – PARIS – ‘OUD – CHANSON ARABE : IHSEN LABIDI, ENSEIGNER LES MUSIQUES ET CHANTS ARABES EN FRANCE

Dimanche dernier 19 janvier (2025) à Paris, j’étais conviée à un spectacle que j’aime tout particulièrement : celui d’élèves d’une école de musique. 

Car dans ma hiérarchie personnelle des professions, je mets au plus haut les professeurs de musique, à un niveau absolument égal avec les artistes les plus célèbres : car ces derniers n’existeraient pas sans les premiers  (si l’on exclut les autodidactes). Et je trouve que l’enseignement de la musique est une chose fort utile, et même nécessaire, pour l’harmonie et la paix sociale, et devrait être obligatoire jusqu’au baccalauréat – et même au-delà. 

Cela se passait au nord de Paris, au siège d’une association tunisienne créée en 1974, la Fédération Tunisienne pour une Citoyenneté des Deux Rives (www.citoyensdesdeuxrives.eu) , qui abrite une école de musique, dirigée par Ihsen Laribi , professeur de ‘oud et de chants arabes, ancien enseignant à l’Institut Supérieur de la Musique de Tunis ( http://www.ismt.rnu.tn), où lui-même a été formé.

Car il existe des milliers d’associations en France – tunisiennes, algériennes, libanaises, maliennes, vietnamiennes, comoriennes, et autres pays – mais aussi bretonnes, corses ou auvergnates et autres régions – qui permettent aux membres d’une même communauté de se retrouver autour d’événements culturels liés à leur pays ou région, et de perpétuer et maintenir leur culture traditionnelle par des cours de langue, de musique ou autre : la FTCR offre par exemple également des cours de calligraphie arabe. Et la FTCR défend également les droits des travailleurs immigrés, en offrant une assistance juridique.

Il est toujours émouvant d’entendre des élèves débutant en musique, et pour avoir étudié à la fois le piano, la guitare et le violoncelle, je sais à quel point l’apprentissage d’un instrument est une tâche difficile et de longue haleine. 

Pour la première partie du concert, des solos d’élèves : un homme d’une cinquantaine d’années ayant tout juste quelques mois de ‘oud et qui s’en sort pas mal, car l’on peut apprendre un instrument à tout âge ; un homme jeune à l’allure chic, tout de bleu marine vêtu, qui vit en France depuis ses études ; etc. 

Parmi les apprenants, un jeune homme au prénom hébraïque, car la musique arabe appartient aussi aux juifs et aux chrétiens arabes – et sa présence nous rappelle que les plus célèbres chanteurs et artistes avant l’Indépendance étaient des Tunisiens juifs, comme en Algérie aussi.

Une chorale, composé de 4 chanteuses et un chanteur, âgés de 25 à 50 ans et plus pour ce dernier, nous offrait ensuite des chansons tunisiennes célèbres comme « Tabbaaani » de Hédi Jouini (1909-1990), chanteur et ‘oudiste star des années 40 et 50 ; ou « Bellahou ya hamam », chanson traditionnelle algérienne. 

Les partitions étaient en langue arabe, et certains, qui comprennent l’arabe mais ne le lisent pas car grandis en France, avaient des partitions en transcription phonétique – mais prononçaient parfaitement les « ayn » et les « hhâf », voyelles gutturales arabes parfois difficiles à prononcer pour les étrangers…

Ecouter « Tabbaani » par Hédi Jouini, chanson très influencée par la chanson égyptienne, comme c’était la mode à l’époque : 

En troisième partie, le professeur, Ihsan Labidi, nous offrait un mini-concert de quelques-unes de ses compositions. Tout en restant fidèle dans certaines créations au caractère grave et introspectif du ‘oud (cousin pour moi du violoncelle dans ce registre,  l’artiste nous a surprise, en emmenant son ‘oud sur les chemins du flamenco vivace, voir de la guitare manouche ! 

Et dans les 2 disques que l’artiste a réalisés – « Rayhana » (2016) et « ‘Oufouq (Horizon) » (2021), oeuvres de sa composition, l’artiste nous surprend encore en interprétant, au ‘oud, de célèbres chansons françaises. Et si vous écoutez ses versions de « Ne me quitte pas » ou « La bohème », vous verrez : les sentiments n’ont pas de frontière ou de nationalité, et les émotions sont les mêmes – amour perdu ou jeunesse envolée – que l’on soit tunisien, français, arabe, ou autre…

  Nadia Khouri-Dagher – n.khouri AT orange.fr 

Contact : musique@citoyensdesdeuxrives.eu

A lire : L’excellent ouvrage, illustré de nombreuses photographies d’époque, « Tunis chante et danse 1900 – 1950 », deHatem Bourial , célèbre journaliste culturel en Tunisie,  Alif Editions, Tunis,1991). Un ouvrage devenu une référence pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de la chanson en Tunisie.