JAZZ OIL, Lamma, Shouka/Quart de Lune, Distrib. Rue Stendhal
C’est fou comme le lien entre liberté politique et créativité artistique se vérifie en tous lieux et en tous temps, à travers les siècles et les continents, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours…
Nous avons vécu en Tunisie avant la Révolution du Jasmin, à l’époque où les libertés politiques étaient bâillonnées, où personne n’osait parler en public du Président ou de politique, où les mouchards et indics étaient partout (repérables comme toujours les mouchards et indics !), et où la scène musicale tunisienne ressemblait à un désert, à quelques exceptions près, comme Anouar Brahem qui en était alors à ses débuts, encore inconnu du grand public…
Nous nous souvenons de concerts à Tunis, par exemple ceux du Libanais Marcel Khalifé dénonçant en chansons l’oppression sur les Palestiniens, où la salle, assombrie pour le concert, était brutalement éclairée à pleins feux, aux moments où la foule était le plus en délire, stratagème pour faire retomber l’ambiance et « calmer les esprits », face à une foule de jeunes s’identifiant à des paroles de révolte et de rébellion… Les autorités reconnaissaient ainsi, implicitement, l’énorme pouvoir que peut avoir la chanson, et la parole libre d’un artiste…
Bref, toute cette longue introduction pour vous dire ma joie de recevoir ce disque d’un tout jeune groupe de jazz venu de Tunisie, et excellent : Jazz Oil réunit des musiciens confirmés, autour de Nidhal Jaoua au qanounn (cithare) et Slim Abida à la basse. Leur musique parlera seule pour eux, et la preuve qu’ils sont bons est que notre regretté Rémy Kolpa Kopoul, disparu il y a un an, l’un des meilleures connaisseurs des musiques du monde que la planète ait produit, les avait invités aux concerts-découvertes qu’il organisait à Paris pour faire connaître de jeunes groupes excellents venus de tous pays…
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C’est, à notre connaissance, la première fois qu’un groupe de jazz se forme autour d’un qanoun comme instrument-clé : le qanoun qui est, avec le ‘oud, l’autre instrument-symbole de la musique arabe… Tout un symbole , et « pour moi ça veut dire beaucoup », comme chanterait France Gall…
Jazz Oil sera en concert le 14 avril au Studio de l’Ermitage à Paris, puis en Bretagne, et ensuite ailleurs : les suivre sur Facebook…