Samedi dernier 14 décembre 2024, en plein Paris, j’ai été transportée quelques heures au Mexique, à une mini-fête populaire et musicale en hommage à Notre-Dame de Guadalupe, toujours célébrée en chants joyeux et danses spontanées partout au Mexique !
À Paris l’on peut vivre des expériences culturelles formidables, à l’occasion des grandes fêtes populaires du monde entier, car la capitale abrite des peuples du monde entier : défilés de dragons pour le Nouvel An Chinois, parades de rue avec des éléphants (en statues !) décorés de fleurs pour la Fête hindoue de Ganesh, ou Carnaval Antillais, autant d’occasion de vibrer au son des peuples du monde et de leurs joies collectives !
Samedi dernier 14 décembre 2024 était une Première pour moi : assister à une fête en l’honneur de Notre-Dame de Guadalupe, célébrée dans tout le Mexique et vénérée dans toute l’Amérique Latine, et pas seulement dans la ville de Guadalupe, autour du 12 décembre, où cette fête demeure jusqu’à ce jour l’une des plus importantes du pays.

Les membres du groupe Mariachido : de g. à d. , Manuel Romero, Philippe Botte, Fer Machado, Gildardo Mejia et Franklin Losada. À l’église St Roch à Paris, le 14 décembre 2004. Photo Nadia Khouri-Dagher.
Car Guadalupe (prononcez Gouadaloupé) est aussi célèbre au Mexique et en Amérique Latine que Lourdes l’est en France et en Europe, et pour les mêmes raisons : la ville aurait abrité une apparition de la Vierge Marie. Pour Guadalupe, la Vierge serait apparue à un jeune paysan nommé Juan Diego, en 1531. Le premier récit de cette apparition figurerait dans un manuscrit de 1550 rédigé en langue nahuatl, et comme pour toutes les apparitions, ce miracle d’une apparition sur terre de Marie, aurait entraîné de nombreux autres miracles, jusqu’à ce jour.
L’image de Notre-Dame de Guadalupe est une icône immensément populaire au Mexique, et sur le continent latino-américain, aujourd’hui imprimée à des millions d’exemplaires et reproduite sur divers supports, comme nous avons pu le constater lors de cette fête mexicaine en France.
La figure de la Vierge de Guadalupe fut même été utilisée lors de la guerre d’Indépendance de 1910 par Emiliano Zapatta (1879-1919) pour unir les Mexicains de toutes régions et toutes classes, guerre au cours de laquelle ce combattant mourra assassiné par le pouvoir colonial. Sur sa tombe on peut ainsi lire : « À l’homme représentatif de la révolution populaire ; À l’apôtre de l’agrarisme, au visionnaire qui jamais ne perdit la foi ».
Et l’écrivain Octavio Paz, prix Nobel de littérature, écrivait non sans humour, dans les années 70, que « le peuple mexicain (…) n’a foi qu’en la Vierge de Guadalupe et en la Loterie Nationale »… (tiré de la préface de l’ouvrage universitaire dont le titre explique à lui seul le poids de ND de Guadalupe dans le pays : « Quetzalcoatl and Guadalupe, The formation of Mexican National Counsciousness 1531-1813 », par Jacques Lafaye, University of Chicago Press, 1976).
Bref, samedi dernier nous étions conviés par le groupe mexicain Mariachido à venir les écouter : une messe se tenait le matin à l’Eglise Saint-Roch, rue Saint-Honoré à Paris, réunissant une partie de la communauté mexicaine de Paris et de la région parisienne (sermon en français et en espagnol par un prêtre français qui avait vécu au Mexique !), et le groupe était invité à animer la réunion informelle organisée après l’office, dans une salle derrière la sacristie, qui offrait un buffet mexicain… ainsi que des objets et images de la Vierge mexicaine, bien sûr.
Après un office que je trouvai ennuyeux car en latin, langue que je ne comprends pas du tout, et où notre groupe mexicain, sagement assis sur un banc au premier rang, ne fit qu’une minuscule parenthèse musicale en début d’office, ce fut la fiesta, pour les dizaines de Mexicains et Mexicaines, et leurs familles, venues jusqu’ici.
Autour de la leader du groupe, Fer Machado, violoniste mexicaine formée au classique dans sa ville natale de Xalapa, à quelque 250 km à l’Est de Mexico, non loin de Vera Cruz, et désormais installée à Paris, où les occasions de jouer de la musique mexicaine ne manquent pas nous apprend-elle, en public ou en privé, quatre autres musiciens, tous aussi enthousiastes et heureux que l’assemblée venue pour cette fête : Gildardo Mejia, Mexicain comme Fer Machado, à la petite guitare au son acide, la « vihuela » ; le Colombien Franklin Losada à la grosse guitare « Guitarron » au son de basse, ainsi nommée car sa caisse est presque aussi volumineuse qu’un tambour ; et aux trompettes – indispensables à toute musique mexicaine traditionnelle ! – le Vénézuélien Manuel Romero, dont le père était un trompettiste et chanteur honoré dans son pays, et le Français Philippe Botte, formé à la trompette classique et tombé amoureux du Mexique. Et tous au chant, bien entendu, car dans la tradition des orchestres Mariachis, tous les musiciens chantent aussi, et en polyphonie.
Après l’atmosphère un peu compassée de l’office religieux traditionaliste, la joie des Mexicains et Mexicaines venus se retrouver pour faire la fête « comme chez eux » a éclaté : sur des airs célèbres comme « Cielito Lindo », que le public chantait en choeur en même temps que les musiciens, se greffaient parfois des paroles-hommages à la Vierge de Guadalupe : « Virgen de Guadalupe/Madre de todos los Mexicanos… ». Un peu comme, dans la chanson française, la même mélodie peut servir à la fois à la chanson « Il n’y a pas d’amour heureux » sur un poème d’Aragon, et à « La prière » chantée par Brassens sur un poème de Francis Jammes (« Je vous salue Marie… »).
Mais après deux ou trois chansons mentionnant la Sainte Vierge, le groupe de Mariachis, genre musical mexicain apprécié dans tout le continent latino-américain, et qui s’est exporté grâce à la radio et au disque notamment, a entamé les plus grands succès populaires de la chanson mexicaine : « La Malagueña », « La Llorona », etc.
« La Malagueña », par la vedette mexicaine Miguel Aceves Mejia, star des années 50, célèbre pour ses vocalises aigües :
Et les paroles de chansons d’amour passionnées telles que « Olvidarte no puedo…» (Je ne pourrai jamais t’oublier…) faisaient suite sans aucun problème, pour l’assemblée de fidèles mexicains, aux formules latines comprenant moult « Dominus » (Dieu) et « Mea Culpa » (C’est ma faute) de l’office religieux catholique traditionaliste qui précédait ces réjouissances.
Et au bout de deux ou trois chansons, cela a commencé à danser ! Des femmes élégantes en vison installées en France depuis des dizaines d’années, des étudiantes de passage en France pour y apprendre le français ou la biologie, des Espagnoles que nous n’avons pas interrogées sur leur histoire de vie (beaucoup de femmes, comme dans toutes les célébrations catholiques du monde dirait-on), et des Parisiens amoureux de l’Amérique latine ou simples curieux : tout le monde chantait, dansait, filmait avec son portable – et nous aussi !
« Il y a de nombreux groupes de Mariachis en France », nous confiait Fer Machado à l’issue du concert – une bonne heure de musique. « Mais tous ne sont pas de qualité ». Et en effet, elle-même formée dans un conservatoire, l’un des deux trompettistes aussi, et les autres musiciens également professionnels, composaient un orchestre excellent.
Au Mexique, les groupes de Mariachis abondent, bien entendu. Mais honneur suprême, et tout neuf : le groupe Mariachido, qui se fait également appeler Mariachi do Paris, fut sélectionné pour participer au célèbre Festival Mariachi de Guadalajara (https://www.facebook.com/EncuentroMariachi/?locale=fr_FR), en août dernier. Et honneur supplémentaire : il est invité à nouveau l’année prochaine ! Guettez leur page Instagram pour savoir s’ils se produisent près de chez vous : la veille de cette fête en l’honneur de Notre-Dame de Guadalupe, ils se produisaient sur la merveilleuse péniche Le Son de la Terre, au pied de … Notre-Dame de Paris !
Nadia Khouri-Dagher – n.khouri AT orange.fr
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