« Gaby, mon amour – La naissance du music-hall » : le spectacle imaginé et mis en scène par le ténor Jean-Christophe Born, qui tient également l’un des rôles-titres, pour rendre hommage à la Marseillaise Gaby Deslys (1881-1920), première star du music-hall en France et qui fut célèbre dans le monde entier, est une pure merveille de gaieté et de bonne humeur, en tournée depuis un an, et qu’il faut s’empresser d’aller voir.
Le spectacle se donnait au Théâtre de l’Odéon, sur la Canebière à Marseille, ce 29 janvier 2019, dans le cadre d’une tournée qui navigue entre France et Etats-Unis. Car c’est Broadway, puis Hollywood, qui ont repris et fait connaître au monde entier ces « comédies musicales », qui mêlent chansons, danses, et joie de vivre, et que la France fut la première à inventer ! Bon rappel donc que ce spectacle !
Sur scène, la soprano Clémentine Decouture interprète une délicieuse (deslys-ieuse ! – car Deslys était son nom d’actrice) Gaby, aux chansons coquines, et à la vie amoureuse non moins épicée : on lui prêta de nombreux amants, dont le jeune Roi du Portugal, Manuel de Bragance, qui renonça au trône à cause d’elle, selon la légende…
Aux côtés de « Gaby » pour lui donner la réplique, car nombre de ses chansons étaient des duos avec son partenaire de scène, l’Américain Harry Pilcer (1885-1961), qui comme elle chantait et dansait sur scène, Jean-Christophe Born tient le rôle des divers amoureux transis qu’attira la belle. Car des hommes se seraient tués par amour pour la talentueuse comédienne, qui savait – c’est tout l’esprit du music-hall – tout à la fois chanter, danser, et faire rire son public, à Paris, Londres ou New York.
Mais le spectacle repose sur un trio plutôt qu’un duo : car l’extraordinaire pianiste new-yorkais Mark Nadler, « l’un des pianistes-chanteurs les plus acclamés de New York » selon les médias américains, homme-orchestre dans la pure tradition de Broadway, qui est à la fois excellent pianiste, chanteur et danseur, et qui joue, chante ou danse non-stop pendant les deux heures et demi que dure le spectacle, Mark Nadler, « donc », qui est bilingue et adore ce mot français, est un clou de ce « musical » à lui seul !
Accompagnant « Gaby » sur scène en interprétant les chansons de jazz ou les ragtimes les plus endiablés de l’époque, tout come de romantiques chansons d’amour en anglais – car Gaby chantait dans cette langue pour le public anglophone – Mark Nadler nous offrait également un époustouflant numéro de claquettes, ainsi qu’un numéro au piano qui fit hurler la salle de rire, où il passait non-stop du jazz au classique – et aussi de son tabouret au sol entre autres pitreries ! – et il animait également, avec son humour new-yorkais, et en français, les scènes de transition entre deux numéros de chants, pendant que les chanteurs et danseurs changeaient de costume et que l’on préparait les décors de la scène suivante…
Car une troupe d’une dizaine de danseurs anime le spectacle, troupe du Ballet Lychore, garçons élégants et stylés qui dansent, comme on le faisait jadis dans ces « shows », en smoking/noeud papillon/haut-de-forme, ou bien qui portent de comiques drapés antiques, pour une scène drôle.
Et il faut ici saluer le travail remarquable de la costumière, Mireille Doering-Born, qui nous offre une Gaby aux tenues somptueuses, ou affriolantes, de celle qui créa le genre du music-hall à la française, en mêlant chansons, danses, ballets chorégraphiés, humour, et grivoiserie à la française, avec des textes coquins et des tenues dénudées. Music-hall « à la française » qui est devenu le style même du music-hall dans le monde entier, et que Hollywood copia dans ses comédies musicales qu’elle exporta dans le monde entier…
Ainsi, ce spectacle nous apprend que c’est pour Gaby qu’un metteur en scène new-yorkais inventa la descente sur scène en escalier, appelé « Escalier de lumière », désormais un classique des spectacles de music-hall dans le monde entier – et que Hollywood reprit au cinéma.
Gaby choqua les ligues de bonnes moeurs en dévoilant ses jambes sur scène, des années avant Mistinguett ne fasse de même et nous chante qu’elle avait « de belles gambettes » (jambes, en argot français). Gaby interprétait même des numéros de « strip tease » considérés comme très osés à l’époque : elle s’y dévoilait… en jupon de dentelles et en corset très serré !
Gaby Deslys mourut jeune, à 40 ans, restée célibataire par amour de son indépendance, qu’elle valorisait plus que tout – elle s’en était expliquée dans des articles et interviews publiés à l’époque. Elle légua toute sa fortune aux orphelins de Marseille. Grâce aux cachets de diva qu’elle avait exigés, elle avait fait construire une grande villa à Marseille, sur la corniche face à la mer : cent ans après sa mort, la belle demeure est toujours là, et porte, gravée dans la pierre à tout jamais, le nom de l’inventeuse du music-hall à la française : « Villa Gaby ». Le nom de l’inventeuse du music-hall tout court.
Plus d’informations sur la vie de Gaby Deslys, et les dates de la tournée. Le spectacle se donnera notamment tout le mois de juillet 2019 à Avignon, au Théâtre Le Rempart.