LIBAN : Mashrou’ Leïla brise les tabous

MASHROU’ LEÏLA, Raasük, MDC/PIAS

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Voilà sans doute l’un des meilleurs groupes qui ait émergé dans le monde arabe ces dernières années. Et nul hasard s’ils nous viennent du Liban, pays de l’avant-garde musicale dans la région. Pour une raison simple : le Liban reste le plus moderne de tous les pays arabes. Ce qu’il était avant la guerre, et ce qu’il n’a pas perdu. Car le conflit qui a déchiré le pays de 1975 à 1994 a, paradoxalement, aiguisé la créativité artistique dans tous les domaines.

Et la guerre, loin de briser le rôle traditionnel de «Liban, carrefour du monde» l’a paradoxalement accentué. D’abord par les incessants allers-retours de Libanais entre le pays et l’Europe, l’Amérique, ou même l’Australie, où ils cherchaient refuge un temps, aux pires moments de la guerre, souvent chez des parents de la diaspora. Mais aussi parce que, depuis la fin du conflit, de nombreux Libanais, notamment dans les milieux artistiques et culturels, sont retournés au Liban, par amour de leur pays. Bref, le Liban reste plus que jamais une terre ouverte à tous les vents – et ce superbe album, qui s’inscrit dans la modernité musicale actuelle, en est la preuve éclatante.

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            «Mashrou’ Leila» veut dire en arabe «Le projet d’une nuit», mais le titre est aussi un jeu de mots avec «Majnoun Leila», qui signifie «Le fou de Leila», et qui est la pièce littéraire la plus célèbre du monde arabe, histoire d’amour en Arabie entre Majnoun et Leila qui est l’équivalent du «Roméo et Juliette» de Shakespeare en Occident. Le nom du groupe vient de la première nuit où ses membres – alors étudiants à l’Université Américaine de Beyrouth – se sont réunis pour faire de la musique ensemble. C’était en 2008. L’alchimie a fonctionné, et le groupe, qui s’est d’abord produit dans les bars et clubs de Beyrouth, a très vite fait l’effet d’une «bombe» dans le paysage musical libanais – et nous pouvons sans crainte utiliser cette métaphore pour un pays sorti d’une longue guerre, grâce à l’humour des Libanais, qui ne ruminent pas les terreurs du passé.

            Le succès est fulgurant, et le groupe sort bientôt deux albums – «Mashrou’ Leila» en 2009 puis «El Hal Romancy» (L’état romantique) en 2011, et est invité sur des scènes et festivals du monde entier : Amman, Le Caire, Istanbul, Dubaï, Tunis, mais aussi Londres, Amsterdam, Barcelone, Montréal, etc.

            Intégrant les meilleures musiques nées de la modernité que l’on peut entendre aujourd’hui dans les grandes capitales du monde, la musique de «Mashrou’ Leila est aussi singulière que le pays qui l’a vu naître, paysage musical d’Occident mais chant en langue arabe, comme ce qui fit le succès de Fayrouz, et c’est aujourd’hui un mélange de jazz, de rock, des influences balkaniques ou latines, tout univers onirique, et parfois très énergique.

Ecouter «Raksit Leila», pour l’humour du clip :

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=5vvr7KXAfck]

Le groupe, sous la houlette de Hamed Sinno (chant), avec Firas Abou Fakher (guitares), Haig Papazian (violon), Ibrahim Badr (Basse) et Carl Gerges (batterie), compte rien moins que 200.000 fans sur Facebook. Et sur youtube, Mashrou’ Leila suscite autant de commentaires admiratifs (multilingues) que d’insultes : les insultes sont toujours en arabe, et viennent de la part de ceux, encore nombreux dans la région, qui refusent toujours la modernité, et la liberté qui va avec… Car même une danseuse orientale, comme celle de leur clip «Raksit Leila» (La danse de Leila, ventre nu et ondulant, comme l’Orient les aime depuis des siècles, c’est devenu «inacceptable», aujourd’hui, pour bien des esprits fanatisés…

Les paroles de leurs chansons : http://mashrou3leila.blogspot.fr/

www.mashrou3leila.com

www.facebook.com/mashrou3leila