LIBAN: IBRAHIM MAALOUF, nouveau Miles Davis

IBRAHIM MAALOUF, « Diagnostic » (Mi’ster Production, Distribution Harmonia Mundi)

Le successeur de Miles Davis est Libanais. C’est le trompettise Ibrahim Maalouf. Celui qui avait fait sonner la trompette avec une douceur littéralement in-ouïe auparavant (c’est-à-dire jamais entendue), a trouvé dans le jeune musicien de jazz libanais un digne successeur.

Ce n’est pas de jazz qu’il s’agit ici, c’est de musique, de sincérité, de vérité, de langue parlée, d’émotion, de beauté. Est-ce parce qu’il est oriental? Ibrahim Maalouf fait parfois sonner sa trompette comme un nay, cette flûte bédouine faite d’un roseau qui produit un son si léger et aérien, et à laquelle Fayrouz a consacré l’une de ses chansons les plus célèbres (“Aaatiny el nay” – Donne-moi le nay).

Car, bien qu’il vive en France depuis l’adolescence, arraché à son pays natal par la guerre civile, l’Orient est omniprésent dans ce cd – et dans la pratique musicale de l’artiste, qui joue avec une trompette bricolée pour produire les quarts de ton indispensables à la musique arabe – une invention, baptisée “trompette arabe”, de son père Nassim, dont nous vous avions parlé quand nous avions découvert Ibrahim Maalouf avec son cd précédent, “Diachronisme” (http://www.babelmed.net/index.php?c=4926&m=&k=&l=fr ).

Pourtant Ibrahim a étudié la trompette au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, joue de la trompette classique dans divers orchestres, a gagné une quinzaine de prix internationaux de trompette, et dans un conservatoire en France. L’Orient, et le jazz, ne sont donc que quelques-uns des univers que ce musicien d’exception fréquente, et l’union des deux est sa langue maternelle, celle avec laquelle il a signé la trilogie d’albums que l’artiste clôt ici (Diasporas, Diachronisme, Diagnostic).

Nous avons été scotchés par “Beirut”, composé à 13 ans nous raconte l’artiste, alors qu’il se promenait sur la Place des Canons bombardée et détruite, autrefois coeur battant de la ville. Musique d’une tristesse infinie – mais l’adolescent se promenait en écoutant Led Zeppelin, et le morceau explose bientôt en une énergie folle. Et l’on comprend que ce moment, dont l’artiste dit se souvenir comme si c’était hier, et que le jeune Ibrahim a voulu fixer alors en une photo reproduite dans le livret de l’album, représente la naissance de l’artiste: l’adolescent décide alors de transformer les explosions, fréquentes au Liban alors, en échos d’une énergie qu’il allait transformer pour en faire une énergie créatrice, qui le nourrirait pour toujours…

Entouré d’un piano qui se fait classique, cubain, ou “Keith Jarretien”, d’un violon à la mélancolie tsigane, et d’autres instruments, conviant même le rappeur Oxmo Puccino sur un titre, Ibrahim Maalouf signe ici sa profession de foi musicale: enraciné en Orient il restera à jamais, mais enraciné dans la modernité et les sons d’aujourd’hui aussi – il n’a qu’une trentaine d’années. Les compositions témoignent d’une recherche incessante, d’une in-quiétude comme en anglais on dit “unquiet” – pas tranquille. Ibrahim nous époustoufle. Et ça ne fait que commencer!

www.myspace.com/ibrahimmaalouf

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