LIBAN: IBRAHIM MAALOUF, Diachronism (2 CD), Mister Production

Ibrahim Maalouf est un surdoué de la trompette. Né à Beyrouth en 1980, il est le fils du trompettiste Nassim Maalouf, lui-même élève du célèbre trompettiste Maurice André, au Conservatoire national supérieur de musique de Paris (CNSM), et de la pianiste Nada Maalouf (Ibrahim est pianiste également). Le père d’Ibrahim, Nassim Maalouf, a inventé la trompette micro-tonale, qui permet de jouer des quarts de ton, et donc de jouer de la musique arabe, qui on le sait réclame des intervalles inférieurs aux demi-tons de la musique occidentale.
Ibrahim, dont la famille s’est réfugiée en France pour fuir la guerre du Liban, marche donc d’abord sur les traces parentales: il apprend la trompette piccolo et, dès 9 ans, accompagne son père dans Vivaldi, Purcell, ou Albinoni. Puis il intègre le CNSM. Entre 1999 et 2003, Ibrahim est lauréat de 15 concours internationaux de trompette, notamment le 1er prix du concours International de trompette de Hongrie en 2001, et le Concours International de la ville de Paris Maurice-André en 2003. Aujourd’hui, Ibrahim Maalouf enseigne au conservatoire d’Aubervilliers-La Courneuve.

         Mais, s’il a commencé par la trompette classique, la véritable passion d’Ibrahim Maalouf est le jazz, et les musiques contemporaines. En 2007 son premier album, qu’il produit sur son label, Mister Productions, est salué par la critique. L’artiste est soutenu par la SACEM. Ce deuxième album, qui comprend 2 cds, et a donné lieu à un concert en novembre dernier au New Morning, l’une des meilleures salles de jazz de Paris, a reçu un accueil tout aussi enthousiaste.
C’est à Miles Davis que l’on pense immanquablement, à l’écoute d’une trompette qui est douceur avant tout, et langage, comme un chant a capella, un soupir, une vibration très légère, à peine un souffle parfois… Trompette intime, qui se fait parfaitement l’écho des ambiances orientales qu’Ibrahim Maalouf veut nous restituer: et le chant solitaire de la trompette évoque aussi, parfois, le souffle du nay, cette flûte des bédouins du désert, qui chante toujours de manière mélancolique. Et la trompette devient arabesque…

        Car, si les recherches de sonorités, et les musiciens dont il s’entoure, sont tout à fait contemporains, l’inspiration de l’artiste, elle, est irrémédiablement orientale: les deux cds de cet album se nomment sans équivoque “Disoriental” et “Paradoxiental”. A l’écoute de l’album on pense aussi à tout ce courant de recherches musicales qui est en train de se développer, à Beyrouth même, entre inspirations orientales et passion des sons contemporains… Ibrahim Maalouf, “seul trompettiste au monde à jouer de la musique arabe avec la trompette à quarts de tons, inventée par son père dans les années 60”, comme il aime à se présenter, est décidément, comme nombre de musiciens libanais avant lui, un défricheur, un artiste qui trace une voie singulière entre Orient et Occident, de la même manière que les frères Rahbani avaient su créer des “comédies musicales arabes” sur le modèle des comédies musicales américaines, avec Feyrouz en vedette… La “trompette arabe” est, en soi, une surprise. Nul doute qu’Ibrahim Maalouf saura nous surprendre encore – et nous charmer, du son tendre de sa trompette orientale…
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