LIBAN: FAIRUZ, Ya tara nessina, Voix de l’Orient, Chahine & fils

 Pour juger de l’immense popularité, encore à ce jour, de la chanteuse libanaise Fayrouz, qui connut son âge d’or du milieu des années 50 au début des années 70, il suffit de se rendre sur youtube, et de lire les commentaires enflammés postés, en anglais, en arabe, en français, et dans d’autres langues, sur les vidéos de ses chansons. “Ahhhhh ya Fayrouz!”; “Une diva, elle restera à jamais”; “I love you Fairouz”; “Grande dame de la chanson; ah mon Liban, sa voix me donne des frissons,cette musique merveilleuse, al galbi ya dounia lamouni, donne-moi la force, Seigneur, d’écouter ces merveilles“; “I don’t know how my life would look like if YOU Fairuz were not in. Can’t imagine my day passing without listening to you my beloved creature. Fairuz voice comes from heaven, definitely not from earth. Maybe God wanted to show us a hint of heaven when he blessed her with this voice”; “Como isso parece com fado!”; “You don’t understand the words. Her voice is fantablous” (sic)…

         Pour la diaspora libanaise éparpillée aux quatre coins du monde, Fayrouz (son nom de scène, qui signifie “turquoise” en arabe, se transcrit de diverses manières) représente à elle seule LE symbole de la musique libanaise. En effet, aucun des autres artistes, femmes ou hommes, qui lui ont succédé n’a atteint ce sommet de popularité, tant au Liban que hors frontières. Imaginez que l’on ne passe en fond sonore dans presque tous les restaurants français de la planète que du Edith Piaf, à l’exclusion d’aucun autre chanteur français, et vous aurez une idée de ce que signifie être le symbole de la chanson libanaise…

        Voici donc rééditées pour la première fois en CD un grand nombre des chansons de Fayrouz du milieu des années 50 aux années 60, dont la célèbre “Ya tara nessina” (Nous avons oublié). C’est émouvant de retrouver le label Chahine, qui produisait des 33 tours avant la guerre du Liban, et qui s’est donc remis sur pied, comme nombre d’entreprises culturelles – et autres – au Liban. Chahine était notamment le label de disques qui produisait les comédies musicales où chantait Fayrouz (comme “Le vendeur de bagues”) et qui produisait aussi les disques de Sabah et autres stars nationales. On regrettera seulement que le CD… restitue le son d’un vieux 33 tours, qui gratte. C’est dommage, mais ceux qui sont attachés à la nostalgie du temps passé se réjouiront peut-être…

        Et pour illustrer le rôle énorme que joue toujours Fayrouz dans la diaspora, voilà en écoute “Aaatiny ennay” (Donne-moi le nay – le nay est la flûte bédouine), l’un de ses plus grands succès (qui n’est pas dans le cd), et l’une de mes chansons préférées comme des millions de fans, dans la version originale (on verra aussi les commentaires en toutes langues) http://www.youtube.com/watch . . Et voilà la version de… Shakira, née en Colombie de parents libanais comme on sait: http://www.youtube.com/watch?v=KL
Les paroles de cette chanson sont chantées en arabe classique, car c’est de la poésie:

DONNE-MOI LE NAY

Donne-moi le nay et chante, parce que le chant est le secret de la vie
Et la complainte du nay demeure, même après la fin de la vie

As-tu jamais pris comme moi la forêt pour maison mais pas pour palais
Et suivi les rivières et grimpé sur les rochers?

T’es-tu baigné dans les parfums et séché dans la lumière
Et bu l’aurore comme de l’alcool dans des verres d’éther?

Donne-moi le nay et chante, parce que le chant est le secret de la vie
Et la complainte du nay demeure, même après la fin de la vie

T’es-tu assis une après-midi comme moi, dans les vignes
Et les grappes de raisin étaient comme la constellation des Pléiades?

As-tu fait ta couche dans l’herbe et fait une couverture avec l’espace
Se contentant de ce qui vient, et oubliant ce qui est advenu?

Donne-moi la flûte et chante, parce que le chant équilibre les coeurs
Et la complainte du nay demeure même quand les péchés ont disparu

Donne-moi le nay et chante, et oublie tout remède ou médicament
Car les personnes sont comme des lignes, écrites, mais avec de l’eau.
www.fairouz.com