FRANCE-MARSEILLE : COMPAGNIE RASSEGNA, la parenté en musique entre toutes nos Histoires

COMPAGNIE RASSEGNA, Il sole non si muove, Buda Musique

Voilà un projet très original, et très convaincant, de la Compagnie Rassegna, et qui prouve, une fois de plus, à quel point Marseille est désormais un véritable creuset musical en France, laboratoire de recherches et de créations autour des musiques du monde entier, parce que l’ADN même de la ville lui confère, depuis plus de 2.000 ans, cette curiosité vers l’autre et l’ailleurs, fruit des mélanges et métissages.

Autour du guitariste Bruno Allary, divers musiciens et choristes  – Mireille Colignon à la viole de gambe, Isabelle Courroy aux flûtes kaval, Carine Lotta, Sylvie Paz et Carina Salvado au chant (très belles voix féminines), Fouad Didi au ‘oud, et Philippe Guiraud à la basse – redonnent vie au répertoire européen du XVI° siècle, quand l’Angleterre et l’Italie, et l’Europe entière, conversaient en peinture, en musique, à une époque où la Provence était au coeur d’une région alors en pleine essor économique, avec le commerce maritime des nations européennes avec l’Orient, proche et lointain…

Les mélodies mélancoliques de John Dowland, qui plaçait le luth, fils direct du ‘oud arabe, au coeur de sa musique, croisent ainsi celles de son contemporain italien Bartolomeo Tromboncino ; une romance espagnole anonyme du même siècle répond à une chanson arabo-andalouse accompagnée au ‘oud et chantée en arabe ; et une danse arménienne croise une chanson portugaise, qui était aussi chantée en Espagne…

Le cousinage de ces univers musicaux venus de pays très divers, et que l’on croirait très étrangers les uns aux autres – comme l’Angleterre et l’Italie ou l’Angleterre et l’Espagne – s’entend ici simplement à l’oreille : cousinage de rythmes – ces rythmes lents des musiques de la Renaissance, quand la marche, forcément lente, était le principal outil de locomotion sur les routes ; cousinage des paroles et thématiques aussi, car la plupart des textes sont des chansons d’amour désespéré, et nous parlent de larmes, de lune, de rose, de nuits, d’espoir aussi heureusement, vocables et thèmes toujours chers à la chanson arabe ou hispanique, mais larmes qui ont quasiment disparu des traditions chantées populaires dans une Europe du Nord devenue prospère et matérialiste désormais…

« Tout est mêlé, rien de pur entre nos mains » : cette citation du philosophe Pierre Charron (1541-1603), disciple et ami de Montaigne, et dont certains ouvrages furent censurés car il prêchait la tolérance religieuse en un siècle de guerres de religions et de fanatisme, ouvre le livret. L’une des plus belles démonstrations de notre héritage commun, musicalement, littérairement, et philosophiquement, se trouve ici condensé en une belle heure de musique. Chapeau bas, pour cette leçon d’Histoire, à la Compagnie Rassegna !


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