DANIEL MILLE, Astor Piazzola – Cierra tus ojos, Sony Music
Certains disques que vous mettez pour la première fois sur votre platine vous arrivent comme de purs bonheurs, comme une matinée ensoleillée, un bouquet de fleurs fraîches, ou une promenade dans les champs.
Daniel Mille, le génial accordéoniste français, vient de nous offrir un petit bijou de disque. Il reprend des compositions d’Astor Piazzola, dans des arrangements somptueux de Samuel Strouk, artiste que nous ne connaissions pas et dont nous découvrons ici l’immense talent. Ce dernier a eu l’idée étonnante – et tout à fait convaincante à l’écoute – de faire accompagner l’accordéon de Daniel Mille par ce qui peut sembler une formation insolite : trois violoncelles, et une contrebasse !
Mais le son ample et grave du violoncelle se marie parfaitement avec celui de l’accordéon dans ses octaves les plus bas, et le violoncelle et l’accordéon se sont déjà mariés grâce à d’autres artistes, tels Didier Laloy et Cathy Adam, dont nous vous parlions le mois dernier. Et là, l’idée d’amplifier le violoncelle par trois, et d’ajouter une contrebasse, apporte une dimension dramatique à la musique, «annoblit» cette musique d’accordéon que beaucoup continuent de dénigrer et de mépriser en la nommant «populaire». L’accordéon avait de toute façon déjà acquis ses «lettres de noblesse» grâce à Richard Galliano, qui fut l’un des premiers à le faire sortir du registre «bal» ou «musette» où l’instrument fut longtemps cantonné.
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C’est d’ailleurs grâce à Richard Galliano que Daniel Mille existe, comme artiste : ce dernier avait commencé l’accordéon à 11 ans, avait arrêté au bout de 2 ans – né en 1958, dans son enfance l’accordéon était encore en majorité cantonné au divertissement de bal, en France. Puis un jour, lors d’un concert de Nougaro, entendant l’accordéon de Richard Galliano sonner d’un son complètement neuf, le jeune Daniel Mille reprend son instrument, pour lui faire, à son tour, arpenter des chemins inédits. Galliano proposera à Daniel Mille de l’accompagner sur scène avec Barbara, et cette expérience de la scène décidera définitivement notre artiste d’épouser cet instrument, et la vie d’artiste qui va avec. En 1985, à 27 ans, nous retrouvons donc Daniel Mille jouant dans le métro pour apprendre à maîtriser son instrument, comme l’ont fait bien d’autres avant lui…
Et une autre rencontre décisive se produit : cette fois-ci c’est avec Pierre Barouh, venu au festival d’accordéon de Tulle, les Nuits de Nacre, en 1991, invité par Richard Galliano pour tourner un film sur cet instrument (film disponible sur le site des éditions Saravah). En se baladant dans la ville, ouverte à tous les accordéonistes amateurs pendant les 3 jours du festival, Pierre Barouh tombe sur Daniel Mille jouant dans la rue. L’oreille enchantée, et ayant sympathisé avec lui, il offre à ce dernier… de produire son premier disque ! Ce sera «Sur les quais», sorti en 1993 chez Saravah, et pour lequel Daniel Mille obtient un «Django d’Or» de meilleur espoir du jazz.
La carrière de l’accordéoniste est lancée. Suivront deux autres disques chez Saravah, de nombreux autres prix et distinctions, et voilà notre artiste aujourd’hui consacré parmi les plus grands accordéonistes français. Nous avons eu le plaisir de le voir aux Nuits de Nacre, il y a deux ou trois ans, cette fois-ci non pas dans la rue, mais sur scène, aux côtés du grand Marcel Azzola, représentant la relève du nouvel accordéon français…
Au total une belle histoire de mains tendues, de générosité, et de partage… Merci Richard Galliano, merci Pierre Barouh… et merci Daniel Mille pour votre musique magnifique ! Et vous qui me lisez, si vous ne fondez pas en écoutant «Oblivión», écrivez-moi !
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www.samuel-strouk.com