ELLES S’Y PROMÈNENT, C’est la voix de la terre, Homerecords (Belgique)
En 2015, ère de Twitter, des images satellitaires, des communications en skype avec la Chine et des mangues congelées que l’on mange dans les pays froids toute l’année, mettre un disque sur sa platine et entendre parler de bergères, de moulins, de chèvres et de fontaines semble presque irréel…
C’est pourtant bien un recueil de chansons traditionnelles de France, de Belgique et du Québec, c’est-à-dire chantées en français – et parfois dans une langue populaire ancienne – que nous offrent Florence Laloy et Christine Lurquin, accompagnées d’un violon et de percussions, mais chantant souvent sans aucun instrument, comme l’ont fait avant elles des générations entières de femmes, dans leurs chaumières, dans les champs ou près d’une fontaine…
«Vous ne savez pas comment on faisait les chansons
Du temps de mon grand-père
Elles nous parlaient de filles et de garçons
De chasseurs et de loups
Toutes ces complaintes qui avaient si bien leur place ici
C’est la voix de la terre
Le souvenir et l’âme du pays…»
Cette chanson qui ouvre le disque, «Vous ne savez pas comment on faisait les chansons», nous vient de Corrèze, l’une des rares qui ne serait pas anonyme, car on suppose qu’elle fut composée par un certain Léon Peyrat, auteur d’un «Cahier de chansons du pays de Tulle»…
Les autres nous viennent de Bretagne, du Hainaut en Belgique, de Gaspésie au Québec, du Berri ou d’ailleurs, et certaines ont été collectées, au XX° siècle, auprès de paysannes. D’autres datent du XVI° siècle, et sont toujours chantées de nos jours, à l’instar de la célèbre «A la claire fontaine», dont une version nous est présentée ici. Chanson dont nous apprenons qu’il en existe des versions dans tous les pays où le français se parle…
Autre thème très présent : les chansons de marins, qui parlent de gars partis de Marseille ou de Bretagne, de longues traversées pour atteindre l’Amérique, à côté de chansons parlant de soldats qui doivent partir à la guerre, en Angleterre…
C’est un miracle que ces chansons, issues de la tradition orale, soient parvenues à nous jusqu’à ce jour, et c’est un autre miracle qu’elles soient désormais gravées en disques. Bravo à nos deux artistes-chanteuses de nous en offrir la mémoire. Et à tous les passionnés de ce trésor immatériel, collecteurs, musiciens, interprètes…, dont quelques-uns sont cités dans le livret, de perpétuer cette mémoire ancienne, pour la rendre toujours vivante…