
Sur la pochette de l’album Souad Massi pose avec une pâquerette sur chaque oeil, leurs tiges comme deux larmes qui coulent sur ses joues… : car dans la vie le bonheur – symbolisé par les fleurs – n’advient jamais sans larmes, et Souad nous le rappelle avec cette phrase, au coeur du livret : « Ta vie est telle une rose, arrose-la et oublie ses épines ».
Notre mélancolique – et si talentueuse ! – Souad Massi nous revient avec un album superbe, encore une fois. De jolies mélodies sur des arrangements travaillés, des textes qui nous touchent toujours au coeur : Souad Massi fait partie de la famille internationale – et guère si étendue – des Bob Dylan, Joan Baez, Brassens, et autres « songwriters », dont les chansons étaient poésies ou textes forts pour faire passer des messages – ce que l’on appelle « vouloir changer le monde ».
« Dessine-moi une mer, mais peu profonde
Car beaucoup s’y sont risqués et noyés,
Ont mis leurs vies en péril et ont laissé des plaies
Faisant couler les larmes chaudes de leurs mères » (Dessine-moi un pays)
Ecouter : https://www.youtube.com/watch?v=luOdX50FJbY
Souad chante en algérien le plus souvent, mais aussi en français, comme dans « Une seule étoile », l’une de nos préférées dans cet album :
« Pourquoi faudrait-il que la Terre t’écoute
Et que Dieu lui-même exauce ta prière
(…)
As-tu réchauffé le mendiant qui passe
Celui qui a faim, celui a froid
As-tu des yeux contemplé l’espace
As-tu de l’amour au bout de tes doigts ».
La chanson politique n’est jamais loin – comme toujours chez les songwriters. Ainsi dans « Dib el Raba » (La fête des loups) :
« Dites à ceux qui nous ont menti,
Chaque personne sera jugée seule.
Dites à ceux qui nous ont calomniés,
Il ne restera à l’homme que ses actions.
Dites à ceux qui ont planté des épines sur notre chemin,
Que nous sommes coutumiers des blessures.
Dites à ceux qui nous ont caché les rayons du soleil,
Nous transformons les chardons en roses »
Avec des rythmes venus d’Espagne, d’Amérique Latine ou d’Afrique, Souad Massi affirme ici l’universalité de son message : elle chante au nom des siens, Algériens, Africains, Sud-Américains et autres peuples jadis opprimés, qui ont désormais des porte-paroles qui vivent en Europe. Un exil le plus souvent non choisi chez les anciens colonisés… pour fuir les nouveaux oppresseurs qui ont pris possession de leur pays natal, accaparant les richesses et laissant le peuple les mains nues :
« Dessine-moi un pays, d’Est en Ouest, avec des rivières qui coulent,
Et non un pays où les gens marchent pieds nus sur l’or,
Et affamés à mourir de soif » (Dessine-moi un pays).