ALGÉRIE-FRANCE : HAYET AYAD, Les chants d’une âme

HAYET AYAD, Les chants d’une âme

Nous avons découvert l’extraordinaire magicienne-chanteuse Hayet Ayad il y a une quinzaine d’années, alors que nous dirigions le magazine français Yasmina consacré aux femmes du Maghreb, et nous lui avions en outre consacré une heure d’entretien dans notre émission « Les femmes bougent » sur Berbère TV, que l’on peut sans doute encore podcaster, pour la faire connaître à un plus large public encore, et notamment en Algérie, pays de ses ancêtres…

Hayet a une histoire en conte de fées, comme il arrive parfois chez certains artistes touchés par la grâce : autodidacte, elle commence à chanter dans les rues, en Alsace où elle grandit. L’intérêt qu’elle suscite chez le public la voit bientôt chanter dans des églises, lieux que Hayet, bien que née de parents musulmans, affectionne particulièrement, comme elle nous l’avait confié, pour la paix et la sérénité dans laquelle baignent ces lieux sacrés. Ce dernier disque est d’ailleurs enregistré en « live », au Centre culturel des Dominicains de Haute-Alsace, à Guebwiller, qui était jadis un couvent…

 

 

« Les chants d’une âme » est un titre parfait pour ce disque, que nous appelons de musique sacrée, même si l’artiste n’y fait référence à aucune religion en particulier. Cet été, en vacances à Marseille, j’ai ainsi rencontré une autre « Algérienne de France », Fatima, femme de ménage d’une soixantaine d’années, d’une intelligence vive, qui m’avait confié : « j’ai la foi mais je n’ai pas de religion », belle formule pour ces femmes grandies en France de parents venus du Maghreb (et pour d’autres personnes aussi) et qui ne se reconnaissent ni dans l’islam de leurs parents ni dans le christianisme de leur pays d’adoption, mais  se disent attachées à la spiritualité et à la foi.

C’est d’ailleurs en chantant les chants des trois religions de l’Espagne andalouse que Hayet Ayad s’est fait connaître il y a quinze ans. Et, traçant sa route avec obstination et opiniâtreté, tels les pèlerins d’autrefois qui marchaient des jours entiers sans compter les jours, Hayet a trouvé son chemin et sa route.

Au-delà des trois religions, elle nous offre ici une musique qui respire le sacré en ce qu’elle respire l’essentiel. Comme si, par miracle, nous avions retrouvé la bande-son des premiers chants des premières femmes qui jamais chantèrent sur cette terre, bien avant l’éclosion de la civilisation, lorsque l’homme – et la femme – étaient unis à la terre, à la nature, à la pluie, au vivant – et au ciel, qui fait partie de tout cela.

« Terra », « Fémina », « Désert », « Nuit », « Présence », « Dunes »… : les titres mêmes des compositions de l’artiste – minimalistes comme peut l’être un dessin d’oiseau de Matisse, c’est-à-dire non pas abstrait ou ennuyeux mais au contraire dense et vivant – expriment ce désir d’aller à l’essentiel.

Ici le chant se fait son, vibration, chant primitif, non pas au sens de « grossier » mais au sens de « premier », comme certains matins nous semblent parfois « le premier matin du monde ». Ici et là, on se surprend à penser à l’adjectif « expérimental », tant la ligne est épurée : mais toute musique doit être expérience neuve pour être création, et non pas répétition ou imitation. Musique-expérience, musique-vie, oui ; mais musique abstraite, déconnectée du réel, jamais.

Hayet Ayad, qui a choisi de vivre à Toulouse, proche de son Espagne-racine, fait partie de ces voix singulières qui s’élèvent très haut, et ce faisant nous élèvent l’âme. Une artiste-étoile, qui vogue déjà dans le firmament…https://www.youtube.com/watch?v=KBlSfI2Wi8I

wwww.hayet-ayad.com