
( En concert le 13 mai 2025 et le 13 novembre 2025 au Studio de l’Ermitage (Paris) )
Il y a des disques qui nous parviennent, à nous journalistes musicaux : on les met sur sa platine, et bientôt, les morceaux s’enchaînant les uns derrière les autres, la pièce est habitée d’une PRÉSENCE. La musique habite l’espace, elle vous prend, elle vous interpelle, elle est là, puissante et singulière.
Voilà exactement l’effet qu’a produit ce disque, « L’Antidote » (Antidotetrio). Antidote, nous expliquent les artistes, car la musique est un puissant antidote aux maux de ce monde. L’un des membres du trio est le percussionniste franco-iranien Bijan Chemirani, l’un des membres du célèbre Trio Chemirani. Bijan qui s’exprime avec diverses sortes de percussions iraniennes, mais qui est également joueur de ce ‘oud persan appelé « saz lafta ». Bijan a a son actif des disques dans les registres les plus divers, du jazz aux musiques du monde, dont MUZZIKA ! vous a déjà parlé.
Aux côtés de Bijan, le pianiste et compositeur libanais Rami Khalifé. Il est frère de Bachar Mar-Khalifé, également pianiste, et le fils de Marcel Khalifé (1950-). Ce dernier est lecélèbre ‘oudiste et auteur-compositeur libanais, chantre de la cause palestinienne depuis des décennies, et nous avons eu le bonheur de mesurer son immenses popularité hors du Liban, lors d’un concert à Tunis il y a près de 30 ans : le public, enthousiaste, reprenait en choeur des chansons dont il connaissait les paroles par coeur, solidarité immense de tous les peuples arabes pour leurs frères palestiniens, malheureusement jamais suivie d’actes concrets de la part de leurs gouvernements. Solidarité d’ailleurs de quasi tous les peuples du monde pour le peuple palestinien en cette heure tragique, pas suivie d’actes concrets de la part de leurs gouvernements…
Rami, donc, passe son enfance au Liban pendant la guerre civile, puis sa famille s’installe en France. Diplômé du Conservatoire de Boulogne-Billancourt puis de la Juilliard School à New York, il se produit dans des duos et trios, mais compose également des oeuvres ambitieuses, telle le « Requiem for Beirut », créé en 2013 par l’Orchestre Philharmonique du Qatar avec le MDR Leipzig Radio Choir. Rami Khalife qui s’impose comme l’un des musiciens les plus talentueux de la scène libanaise.
Troisième du groupe – Last but not least disent les Anglais – le violoncelliste Redi Hasa est Albanais, et il a été formé à l’Académie des Beaux-Arts de Tirana, puis au Conservatoire Tito Schipa de Lecce en Italie. Il s’est produit aux côtés de grands tels Paolo Fresu ou Bobby Mc Ferrin, et depuis 2012 il accompagne le pianiste et compositeur italien Ludovico Einaudi.
L’univers de ce trio Chemirani-Khalifé-Hasa est d’ailleurs très proche de celui d’Einaudi : musique hypnotique, usant de structures répétitives, musique épurée, usant de peu d’effets et allant à l’essentiel.
Pourquoi « L’Antidote » ? Les artistes s’en expliquent : « La musique est un antidote à la réalité qui, parfois, est entaché de déceptions et de rêves brisés », explique Rami. Nous le savons, et Purcell le chantait déjà, au 17ème siècle : « Music for a while/Shall all your cares beguile » (Pour un temps, la musique vous fera oublier tous vos soucis).
Alors oui, alors que la réalité de notre monde, au Moyen-Orient notamment, mais aussi ailleurs, est horrible, la musique peut nous faire oublier nos soucis. Et, aussi, nous donner la force de résister et de combattre les forces du mal…
Nadia Khouri-Dagher – n.khouri AT orange.fr