PALESTINE-SUISSE: KAMILYA JUBRAN & WERNER HASLER, « Wanabni », Zig-Zag Territoires




Kamilya Jubran et Werner Hasler continuent de créer ensemble une oeuvre qui mêle poésie arabe et musique contemporaine électronique. Après leur album « Makan », paru chez Zig-Zag Territoires, les revoici, dans la collection “Pure”dirigée par Philippe Teissier du Cros: l’artiste Palestinienne au ‘oud et au chant, et le trompettiste suisse Werner Hasler, qui est également compositeur de musique électronique – les deux travaillent ensemble depuis 2003 (Wanabni signifie “Et nous construisons”).


       Le disque s’ouvre sur des notes inquiétantes (et ce cd pourrait aussi s’appeler “Le livre de l’intranquilité”…) – on le sait, Kamilya Jubran cultive la gravité: quand on est Palestinienne, et que l’on a été pendant des années l’égérie d’un groupe politiquement engagé, dans la Palestine occupée – Sabreen – on ne fait pas dans la musique légère… Comme dans leurs disques précédents, Kamilya et Werner Hasler mettent ici en musique des poèmes arabes, poèmes que Kamilya a choisis parmi ceux de poètes vivants, pour la plupart vivant en exil, et/ou ayant connu la prison… C’est l’occasion pour nous de découvrir (le livret présente les poèmes arabes et leurs traductions en français et en anglais) le poète irakien Fadhil Al Azzawi, qui vit en Allemagne désormais; la Syrienne Aïcha Arnaout, exilée en France, et dont le recueil de poèmes “Fragments d’eau” a été traduit en français par le grand poète marocain Abdellatif Laâbi, preuve en soi de leur qualité littéraire (recueil, superbement illustré par Sakher Farzat, édité par l’éditeur français Al Manar – http://www.editmanar.com/auteurs/Fragments.htm); le poète grec Dimitri Analis, qui a notamment traduit en grec Yves Bonnefoy et Julien Gracq; le Marocain Hassan Najmi, l’un des fondateurs de la Maison de la Poésie au Maroc; et la réalisatrice et poétesse syrienne Sawsan Darwaza, qui vit en Jordanie. Et pour se faire une idée du ton des poèmes choisis, voici “Lam” (Il n’y eut) de Fadhil Al Azzawi:

Après cela, il n’y eut rien de dangereux
Seulement quelques guerres
Pour capturer le temps
Quelques années en prison
Pour étudier l’histoire des insectes
Un quart de siècle en exil
Sans papiers délivrés par les tyrans
Et des poèmes
Que j’ai oubliés dans les bars
Sur les tables des éternels ivrognes

Werner Hasler accompagne la voix de Kamilya Jubran de sa trompette qui prend alors des accents aussi déchirés que les mots prononcés, ou avec ses compositions électroniques dont l’abstraction crée une distance et une angoisse qui sont celles-là mêmes qu’expriment les poèmes chantés en arabe classique…
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