TAREK ABDALLAH & ADEL SHAMS EL-DIN: Wasla (Buda Musique)
Un souffle d’air frais dans la grande tradition du ‘oud égyptien, dominée par les figures tutélaires d’un Mohamed Qasabgi ou d’un Mohamed Abd el Wahab, voilà qui fait du bien !
Tarek Abdallah est né à Alexandrie en 1975, et s’est formé à l’Ecole (ou Maison) du Luth Arabe au Caire, dont il est sorti avec un Prix d’excellence. Cette école est récente puisqu’elle a été créée en 1999 par le ‘oudiste irakien Naseer Shamma, après la destruction de l’Irak. Car Bagdad était historiquement un centre important de la musique arabe, et le berceau de ‘oudistes de talent, tels le plus célèbre d’entre eux, Mounir Bachir (1930-1997), qui fit connaître cet instrument à l’Occident.
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Tarek Abdallah joue ici en duo avec le percussionniste égyptien Adel Shams el-Din, dans la tradition classique du ‘oud, c’est-à-dire avec des compositions inspirées par la musique classique arabe : «Wasla» est le nom donné en égyptien à la suite vocale, appelée «Nouba» au Maghreb.
Le plaisir du disque vient de cette fidélité à la tradition, mais une tradition revigorée par ce choix d’un duo ‘oud-percussions. Car si par le passé le ‘oud se faisait volontiers instrument de la plainte, de la mélancolie, et accompagnait ces chants d’amour désespérés chers à la tradition arabe, comme le faisait Mohamed Abd el Wahab, ici les percussions époustouflantes de Adel Shams el-Din donnent un coup de fouet et d’énergie salutaires, et la musique de ‘oud en ressort comme dynamisée et revigorée.
Nous avons eu le bonheur d’entendre ce duo en concert, dans la salle intimiste de l’Ermitage à Paris, et les synergies et échanges – en partie improvisés, comme l’exige la tradition – entre les deux instruments, sont épatants, malgré l’extrême difficulté technique : car ces rythmes arabes anciens peuvent compter jusqu’à… 17 temps !
Divers pays arabes invitent Tarek Abdallah à donner des master-classes et des cours, meilleure preuve de sa reconnaissance parmi ses pairs, et l’artiste égyptien vit désormais à Marseille. Car les guerres et les tragédies – l’Egypte n’est toujours pas remise des événements politiques de ces dernières années – peuvent détruire des pays, des villes, des maisons, mais la musique, immatérielle, survit à tout, devenue même, sans doute, plus indispensable que jamais, comme repère identitaire et comme racine.