INDE-ESPAGNE : ANOUSHKA SHANKAR, La rencontre du sitar et du flamenco, cousins lointains

ANOUSHKA SHANKAR, “Traveller”, Deutsche Gramophon

2Il est parfois salutaire de casser les frontières entre des musiques parentes à l’origine, mais que la géopolitique de plusieurs siècles ont séparées, et voilà qui est fait avec le dernier album d’Anoushka Shankar.

Fille du maître Ravi Shankar, auprès de qui elle s’est formée dès l’âge de 9 ans, Anoushka aime depuis quelques années mêler la musique indienne classique qu’elle a apprise rigoureusement auprès de son père et dans les traités de musique indienne, à d’autres musiques. En 2007 elle créait son propre groupe, “The Anoushka Shankar Project”, et accompagnait sur scène des artistes comme Peter Gabriel, Elton John, Nina Simone ou Sting. Dans le dvd consacré à Ravi Shankar et publié par le label Accords Croisés, qui était sorti en décembre 2010, Anoushka nous explique bien sa démarche (http://www.babelmed.net/muzzika/299-mediterraneo/6232-muzzika-d-cembre-2010.html ) .

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=sXAnc78kweM]

C’est en Espagne que l’artiste a voulu se rendre cette fois-ci, pour faire dialoguer ragas indiens et flamenco. Une rencontre qui sonne plutôt comme des retrouvailles: car le flamenco est enfant de l’Inde. On le sait, les gitans d’Espagne, comme les tsiganes d’Europe de l’Est, sont issus des migrations de peuples nomades du nord de l’Inde – du Pendjanb et du Rajasthan – migrations que l’on situe vers 800-900 de notre ère: probablement d’anciens “Intouchables”, restés marginaux dans les sociétés où ils migrèrent…

Cette filiation est évidente quand l’on observe les danses tsiganes féminines du Rajasthan et les danses flamenco: mêmes mouvements des bras, mêmes ondulations circulaires du corps. Et la musique indienne, qui a enfanté la musique arabe au passage, est grand’mère du flamenco, qui puise aussi ses sources dans la musique arabe…

Mais laissons Anoushka raconter cette étrange familiarité des musiques, se confiant au magazine Mondomix: “Un jour, j’étais en studio avec Javier Limon (producteur de ce disque comme des meilleurs artistes de flamenco, ndlr) et des musiciens gitans de flamenco, et j’ai joué quelque chose pour leur montrer une idée indienne – j’étais souvent la seule musicienne indienne présente. Ils se sont montrés étonnés et ont dit: “Mais ce que tu joues, c’est du flamenco!”. Je leur ai répondu: “Non, c’est un raga indien”. Mais eux insistaient: “Ce que tu viens de faire, on ne le trouve que dans le flamenco!”…
Une chose est sûre: les accents indiens du sitar d’Anoushka se marient parfaitement aux cordes des guitares flamencas, le “cante jondo”, ce chant profond gitan, est tout à fait à l’aise accompagné de ce seul instrument asiatique, et les frappes de main – las palmas – accompagnent parfaitement les rythmes et les mélodies de ragas, dont on ne sait s’ils sont indiens, arabes, ou espagnols…
Un voyage au plus profond des sources du flamenco…

www.anoushkashankar.com