RENAUD GARCIA-FONS, Solo/The Marcevol Concert, CD/DVD, Enja
Le mois dernier nous avons réalisé un entretien avec le contrebassiste français Renaud Garcia-Fons (www.babelmed.net/renaud_garcafons.fr) , et le voici qui sort un nouvel album, en solo cette fois.
Enregistré au prieuré de Marcevol, dans les Pyrénées Orientales, lieu chargé de spiritualité et situé non loin de la frontière espagnole, ce qui qualifierait aussi notre artiste, ce double album, cd et dvd, permettra, même pour ceux, comme nous, qui ont déjà eu la chance de voir le fabuleux contrebassiste sur scène, de mieux comprendre comment, avec seulement un archet et ses dix doigts, il arrive à créer tant de sons d’instruments différents avec sa seule volumineuse contrebasse…
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11 titres, 11 compositions, où l’artiste est accompagné de… lui-même uniquement, lorsqu’il enregistre au sampler ses propres percussions, frappant de ses mains sa contrebasse. Et onze univers différents, comme autant d’escales d’un voyage dans les univers musicaux les plus différents. Dans “Palermo notturno” l’on croit entendre un luth de la Renaissance, ou un ‘oud, dans une mélodie orientalisante, et l’on découvre, outre un contrebassiste, un percussionniste qui n’est pas peu doué, lorsque Renaud Garcia-Fons fait jouer ses dix doigts directement sur le bois de l’instrument, frappant plus ou moins fort, au centre ou plus au bord, avec les doigts ou bien avec son poing fermé… C’est que d’avoir fréquenté pendant autant d’années les musiques des pays du Sud, où le rythme est si important, Renaud Garcia-Fons est devenu un peu percussionniste à son tour…
Dans “Hacia Compostela”, il joue sur les sons très aigus, si bien que l’on croirait entendre un violon. Dans “Kalimbass” – avantage du dvd – on voit qu’il a placé deux feuilles de papier entre les cordes et le manche, et celles-ci vibrent à chaque frottement de l’archet, pour produire au final le son de… la cithare “inanga” du Burundi! Dans “Marcevol”, l’artiste laisse transparaître sa formation classique, et c’est l’ombre de Bach avec ses suites pour violoncelle qui plane ici. “Bajo de Guia” est du flamenco, où Garcia-Fons joue de son instrument comme un guitariste d’une guitare, avec de fougueux rasgueados. “Voyage à Jeyhounabad” est un hommage à l’Iranien Ostad Elahi Sheikh Amiri (1895-1974), maître spirituel et virtuose du tanbur, ce luth traditionnel persan. “Yupanqui” est un hommage au maître argentin, et se déroule sur un rythme proche du tango. “Kurdish mood” annonce la couleur, “Far balad” sonne comme une mélodie celtique et dans “Rock wandering” l’on croirait entendre une guitare basse électrique très rock…
Déclaration d’amour aux musiques du monde entier, déclaration d’abolition des frontières si meurtrières parfois, cet album, empreint de gravité plus que de folklore, est la profession de foi humaniste d’un musicien qui n’a pas “adopté” les musiques d’autres contrées: qui les vit au plus intime, parce qu’il les écoute avec son coeur.