Le monde en musiques

FRANCE-OCCITANIE : DOURDOU, TRADITION & MUSIQUE ÉLECTRONIQUE

Dourdou, le mariage heureux de la tradition occitane avec la musique électronique

La Cité de la Musique de Marseille s’affirme décidément en France comme le lieu de toutes les créations et innovations pour les musiques du monde ! La preuve nous en a encore été donnée samedi 11 janvier dernier (2025), avec le concert de Dourdou, tout jeunetrio que nous qualifierons d’occitano-électronique, dont c’était le premier concert en public, devant une salle comble, après un accueil en résidence à la Cité de la Musique. 

Dourdou est un trio composé de : 

  • Aurélia Nardini, voix leader au chant (tous trois chantent), clavier et « tun-tun », qui est un instrument que nous découvrions pour la première fois, tambourin à cordes présent dans les musiques du Sud-Ouest de la France depuis le XVIIème siècle (voir photo) ; 
  • Vincent Roussel aux percussions, chant, fifre (cette petite flûte provençale qu’utilisaient les bergers jadis, et qui est avec le tambourin l’instrument-clé des musiques occitanes, qui étaient populaires avant tout) et électronique ; 
  • et David Denis au banjo, fifre et percussion. 

Ce qui nous a d’abord frappée c’est ceci : à l’heure de l’ultra-modernité que nous vivons – musiques électro, hard rock, rave parties etc. – des jeunes d’une trentaine d’années, peut-être moins, choisissent de se consacrer à un patrimoine traditionnel ancien de plusieurs siècles, le chant en occitan. Qu’est-ce que l’occitan, pour les lecteurs peu familiers avec la France ? C’est une culture et un parler qui s’étendaient dans le tiers Sud de la France, de l’Atlantique à la Provence, à l’époque médiévale. 

Mais Dourdou ne fait pas que chanter des chants anciens – tradition orale, mais dont la trace nous est heureusement restée grâce à des collectages réalisés dès le XIXème siècle par des passionnés, conscients de la fragilité de ce patrimoine face à la montée du « français obligatoire » instauré par Jules Ferry dans les écoles dès les années 1880. 

Car le « Français obligatoire » à la fin du XIXème allait bientôt tuer toutes les langues locales en France : l’occitan donc, mais également le breton, l’auvergnat, le corse, etc. Langues régionales qui toutes refusent de mourir et restent toujours vivaces dans certains cercles aujourd’hui (la preuve ici), et sont même enseignées désormais dans certaines écoles ou associations, revanche sur Jules Ferry ! Personnage que nous louons quand même pour avoir rendu l’école obligatoire et surtout gratuite pour tous, quand celle-ci était réservée aux riches ne l’oublions pas.

Bref ce rappel pour dire l’enthousiasme qui nous a saisie à l’écoute de Dourdou, qui convoque des chants traditionnels occitans tout en les mariant au banjo, instrument américain inconnu des ancêtres provençaux, et à l’électronique d’aujourd’hui, pour créer une musique rythmée et vivante, qui est totalement du XXIème siècle. 

Une chanson qui parle d’une « jeune fille à marier » et d’un « médecin de Nantes qui veut l’épouser » ; une autre sur un poème du poète algérien Tahar Djaout (1954-1993) assassiné pendant la décennie noire causée par la terreur islamiste (peut-être parce qu’il écrivait ses poèmes et ses livres en français ?…), et dont les paroles nous sont d’abord livrées en français : « Je suis d’un pays brumeux… », « Je parle seul sur des landes engourdies… ». Et ce poème est chanté traduit en occitan : même cri de liberté finalement, sur les deux rives, de choisir la langue de son choix pour s’exprimer (et les nombreux multilingues que nous sommes comprendrons).

Enthousiasmant donc le rapport de ces jeunes artistes à la POÉSIE, que certains croient défunte tant elle est devenue marginale dans nos vies – et dans la majorité des chansons qui passent aujourd’hui à la radio, françaises ou anglo-saxonnes. Et n’oublions pas que les meilleures chansons, traditionnelles ou actuelles, reposent toujours sur un texte intéressant et qui nous touche, autrement dit que la bonne chanson est toujours poésie chantée, comme un Brassens ou une  Zaho de Sagazan aujourd’hui le démontrent.

Nous entendrons aussi un chant inspirée par la Gascogne, longue marche sur un rythme… de marche précisément, très présent dans musiques médiévales ou Renaissance, rythmes lents qui devaient accompagner les longues marches des pélerins, ou même des commerçants ou des paysans qui se rendaient aux siècles jadis à pied au marché du bourg voisin, lointain de quelques kilomètres, comme le font encore aujourd’hui les paysans en Afrique. 

« Pastoureau », « Galant », « Étable »… : plaisir d’entendre VIVRE tout ce vocabulaire d’autrefois, celui de nos contes d’enfance. Mais voici que Dourdou annonce une farandole, et invite le public à se lever pour la danser. Et comme nous sommes à Marseille, où l’on aime danser, des dizaines de spectateurs se lèvent, et l’on voit bientôt débouler… le directeur artistique de la Cité de la Musique, Manu Théron, qui avait fort sérieusement présenté le spectacle, et qui vient prendre la tête de la folle farandole qui court à présent tout autour de la salle de spectacles, sautillant sur les escaliers en montant et en descendant dans la salle, comme sur une colline ! Manu Théron qui est un artiste spécialisé dans les musiques occitanes comme vous savez. 

« C’est Marseille, bébé ! » aiment à rappeler les Marseillais aux visiteurs qui s’étonnent ou s’émerveillent devant tel ou tel trait de leur ville. Un public incroyablement curieux de découvertes (une salle comble pour le premier concert d’un jeune groupe inconnu !) ; et qui est adore danser dès que l’occasion lui en est donnée : vous comprenez à présent pourquoi j’aime cette ville, dont le peuple me ressemble un peu ?

Dourdou vient d’éclore et n’a pas encore de vidéo sur Youtube : mais les voici en photo, l’allure fort sympathique tous trois !:) .

Et voici leur mail, pour les contacter – et les programmer ? : dourdou@mailo.com