TURQUIE: KUDSI ERGÜNER, « Les passions d’Istanbul »

KUDSI ERGÜNER, Les passions d’Istanbul, IMAJ//Distrib. Dom Disques
KUDSI ERGÜNER ENSEMBLE, La Banda Alla Turka, IMAJ/Distrib. Dom Disques


Kudsi Ergüner est le descendant, à la 6° génération, d’une longue lignée de maîtres musiciens turcs affiliés à la confrérie soufie Mevlevi, fondée par Jalal ad-Din Roumi à Konya en Turquie au XIII° siècle, et connue du grand public par son art des “derviches tourneurs”. Kudsi Ergüner a appris l’art du ney, la longue flûte de roseau, de son père Ulvi Ergüner, qui lui-même avait appris la musique de son père Süleyman Ergüner, etc… Et Kudsi, qui est né en 1950 à Istanbul, a perfectionné son apprentissage en s’installant en France en 1973, où il a obtenu un doctorat en musicologie et en architecture.
Dans une interview accordée à Ghaleb Bencheikh dans son émission “Vivre l’islam” sur France 2, Kudsi Ergüner nous expliquait les liens entre musique et spiritualité dans le soufisme: la musique, comme la prière disait-il, a pour fonction de “nous rappeler que Dieu est notre Seigneur”, quand “d’autres musiques, aujourd’hui, ont surtout pour fonction de nous faire oublier”. Le mot “sama”, qui désigne la musique jouée lors des rituels soufis, signifie “écoute” en arabe. Et de la même manière que le Coran commence par l’injonction “Iqra!”, qui veut dire “Lis!”, la première phrase de l’oeuvre principale de Rumi, un long poème de 25.000 distiques, commence par: “Ecoute!”: “Ecoute le ney/Qui te décrit la plainte de l’absence…”. “Donc écouter est quelque chose de très important”, explique Ergüner, qui raconte cette anecdote: un jour à Konya, un théologien vint trouver Rûmi et lui dit:
– On te considère comme un bon fidèle, un homme bien, un bon uléma, un homme sage. Pourquoi as-tu inventé cette hérésie d’écouter de la musique? Qu’est-ce que tu entends quand tu entends cette musique?
– J’entends le grincement de la porte du Paradis s’ouvrir.
– Mais je ne comprends pas: si c’était ainsi, je l’entendrais aussi? Or je n’entends rien?…
– Certainement tu l’entends. Tu entends le même grincement, mais quand la porte se ferme sur toi…
Voici donc deux albums de l’artiste turc installé en France. “Les passions d’Istanbul” est une commande d’Etat du Ministère de la Culture et de la Communication, en France, et a bénéficié du soutien de la Fondation Royaumont, dans le cadre de son programme “Musiques orales et improvisées”. Dans ses compositions, Ergüner perpétue la tradition du makam, musique classique, parfois chantée, que l’on trouve aussi dans le monde arabe. Dans “La Banda Alla Turka” on entendra des musiques turques plus récentes, nées au XIX° siècle, et qui intègrent ces instruments occidentaux que sont la trompette, le tuba, la clarinette ou le trombone. On notera la présence, dans cette joyeuse bande de musiciens, du contrebassiste Renaud Garcia-Fons, ou du trompettiste Antoine Cure, qui viennent actualiser, par une touche de jazz, un métissage dont ces fanfares sont nées…
Ecouter Kudsi Ergüner parler du soufisme en musique dans l’émission “Vivre l’islam”:
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