ARMÉNIE-LIBAN-FRANCE : ASTRIG SIRANOSSIAN, « Duo solo » (Alpha Classics)

Bach,J.S. / Siranossian - Duo Solo [Compact Discs] - Bach,J.S. / Siranossian

Nous l’avons entendue un matin d’octobre dernier à France Musique, dans l’excellente émission « Musique Matin » de Jean-Baptiste Urbain. Astrig Siranossian y parlait de son dernier album, dont nous écoutions des extraits. Une jeune violoncelliste qui sort un disque mêlant Bach, Ligeti et Kodaly avec des mélodies traditionnelles arméniennes, voilà qui nous a immédiatement séduite. Et quand nous l’avons entendue interpréter une suite de Bach, et chanter en arménien en s’accompagnant de son violoncelle, nous avons été totalement conquise ! 

Âgée d’une toute petite trentaine d’années, Astrig Siranossian est déjà une grande, et ceci est son troisième album (pour les pros : l’artiste  joue sur un violoncelle Gagliano de 1756 prêté par le Fonds Henriot pour la musique). Je ne comprends pas un seul mot d’arménien mais j’ai été émue par ces mélodies et chants arméniens, qu’elle joue ou chante en écho aux pièces classiques qu’elle interprète. Par exemple, pour la Suite n°1 en do majeur de Bach, elle nous joue chante un air entre chacun des mouvements de la suite : ainsi elle nous joue l’air traditionnel « Noubar » entre le 2ème mouvement (l’Allemande) et le 3ème (la Courante), nous faisant entendre que « Noubar » a un rythme vif et sautillant proche de celui de la Courante. Ou bien elle conclut la Sonate pour violoncelle de Ligeti par le chant traditionnel « Sareri Hovin Mernem », qui baigne dans la même atmosphère profonde et intérieure que le premier mouvement de cette Sonate, « Dialogue ». 

Ecouter : https://www.youtube.com/watch?v=q-EYogVog9I 

Notre admiration est immense pour cette violoncelliste que nous avouons humblement découvrir avec ce disque (merci France Musique ! C’est à cela que sert la radio : nous offrir des découvertes !). Son interprétation de la Suite de Bach, un morceau dont des milliers de versions existent enregistrées, est toute de légèreté, de grâce et de fraîcheur, alors que le violoncelle est un instrument qui peut sonner bien lourdement parfois. Et l’audace de nous offrir des compositeurs modernes comme Ligeti ou Kodaly est bienvenue, pour nous décrasser les oreilles et sortir des sentiers battus : les SONS NOUVEAUX que parviennent à donner sur cet instrument les compositeurs du XX° siècle font tout le plaisir de ces pièces – un peu comme les Impressionnistes ou les Fauves se sont mis à nous montrer des paysages d’une manière totalement inédite par rapport au siècle précédent. 

Encore une jeune interprète, née et grandie en France, qui veut affirmer sa double culture, et rendre hommage également aux deux cultures – ici arménienne et européenne – qui ont fait ce qu’elle est. À l’instar du violoncelliste sud-africain Abel Selaocoe que nous vous avons déjà présenté le mois dernier (https://musiques-du-monde.com/2022/10/22/afrique-du-sud-abel-selaocoe-where-is-home-hae-ke-kae-warner-classics/) , ou encore de la soprano franco-algérienne Amel Brahim Djelloul qui sort un album consacré aux chants kabyles, dont nous vous parlerons bientôt. 

Autre lien avec sa culture d’origine : la jeune artiste a également créé une association d’aide aux enfants du Liban, pays natal de sa mère car le Liban fut l’un des principaux refuges des Arméniens après le Génocide. Enfin, un détail qui nous a amusée : sur une double page du livret nous voyons Astrig devant une grande table bien garnie de plats arméniens, entourée de musiciens qui jouent. Car en Arménie – et dans la diaspora aussi ! – on adore manger : vous le savez, si vous avez comme moi des amis arméniens ! 

Concert « Duo Solo » le 10 décembre 2022, Philharmonie de Paris 

astrigsiranossian.com