
Heureusement qu’existent encore en France, et de par le monde, quelques artistes attachés à continuer à faire vivre des traditions musicales anciennes de plusieurs siècles… Et nous avons un immense plaisir à entendre, aujourd’hui en 2021, la flûte provençale que joue Miquèu Montanaro, oh cet instrument si humble, si facile à confectionner et à mettre dans sa poche, compagne des bergers en Provence depuis toujours, depuis l’Antiquité déjà, car rappelons que le dieu Pan jouait de la flûte, déjà…
La flûte provençale dite « galoubet », flûte à trois trous que l’on joue d’une main car l’autre est occupée à jouer du tambourin : voilà quel était le duo traditionnel qui rythmait les chants et les fêtes de village, en Provence autrefois. Mélodie d’une part, rythme de l’autre : comme avec l’accordéon, un homme seul faisait l’homme-orchestre…
Instruments anciens, humbles et populaires, qui ne nécessitaient aucun apprentissage en conservatoire, aucun diplôme : car ne l’oublions pas, dans les villages de Provence et de France avant l’industrialisation, comme dans les villages d’Afrique ou d’Amérique latine aujourd’hui, les musiciens étaient nombreux : oh personne n’était musicien de métier, on était à la fois cordonnier et musicien, paysan et musicien, forgeron et musicien, ou tisserande et chanteuse… Mais le village entier chantait et dansait – et dans certains coins du monde dansent encore, sans chef d’orchestre ni chorégraphe…
Ecouter : youtu.be/k6eqkfL9ciQ
C’est donc ce monde d’autrefois que font revivre le père (Miqueu Montanaro) et le fils (Baltazar Montanaro), car si la Compagnie Montanaro est bien enracinée en Provence – dans le village de Correns plus précisément – cet enracinement dans leurs traditions leur a permis, au fil des ans, de partir à la rencontre d’autres traditions rurales : ainsi Miqueu joue ici de la guimbarde, très utilisée en Asie ; de la « fujara », immense flûte slovaque, inscrite au Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité car menacée ; ou encore la « dvojnica », double flûte bulgare. Baltazar, lui, joue du violon, instrument répandu dans le monde entier, et qui a d’abord accompagné les bals et fêtes de village, avant de s’inviter sur les très chic scènes de concert ou d’opéra…
« Be » signifie « intérieur » en hongrois, nous expliquent nos deux artistes, et l’ambiance de tout l’album est bien un voyage intérieur, bien que faisant appel à des instruments du monde entier… Se nourrir du monde entier pour mieux s’enraciner : tel pourrait être le message de ce superbe disque-plaidoyer…
Nadia Khouri-Dagher