HAÏTI-USA : LEYLA Mc CALLA REDONNE SA DIGNITÉ AUX CHANTS POPULAIRES CRÉOLES DE HAÏTI

LEYLA MC CALLA, A day for the hunter, a day for the prey, Jazz Village/Harmonia Mundi

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Dans un nouvel album plein de sensibilité, Leyla Mc Calla redonne sa dignité aux chansons populaires de Haïti. Chantées en créole, ces chansons étaient méprisées et marginalisées il y a quelques décennies, et même interdites de radio…

Une nouvelle génération d’artistes, de par le monde, se lève aujourd’hui pour se réapproprier les traditions musicales de leurs ancêtres, traditions populaires souvent méprisées par les élites, car chantées dans des langues locales, ou traditions instrumentales associées aux couches les plus pauvres de la population.

De Nathalie Natiembé, Davy Sicard ou Christine Salem qui réhabilitent le maloya de la Réunion, à Edmond Mondésir aujourd’hui primé et reconnu pour ses talents de percussionniste du bélé martiniquais, en passant par Haïti justement, où des artistes comme Carlton Rara choisissent le créole pour chanter leurs compositions folk d’aujourd’hui, ils sont nombreux à valoriser des musiques qui étaient interdites de radio et de télévision il y a quelques décennies, car jugées trop identitaires, donc trop subversives…

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Sans oublier que ce mouvement de réhabilitation des musiques populaires est né en Occident – Europe et USA – dans les années 70, avec par exemple la vague des musiques bretonnes et occitanes en France, ou folk aux USA (« Folk music » veut dire « musique du peuple, et les rythmes folk reprenaient ceux des vieilles balades irlandaises amenées par les immigrants sur le Nouveau continent), saluons ce mouvement qui aujourd’hui, de la Sibérie aux Aborigènes d’Australie, redonne une fierté d’appartenance à des peuples entiers qui avaient été méprisés par l’Histoire.

Grandie aux Etats-Unis dans une famille venue de Haïti, Leyla Mc Calla, formée au violoncelle classique, et qui s’accompagne ici de violoncelle, de banjo ou de guitare, reprend ici plusieurs chansons populaires haïtiennes, comme « Peze Café » « Fey-O » ou « Salangadou ». Et sans parler créole, nous comprenons, parce que cette langue est du français métissé, quelques vers qui parlent de misère, de pauvreté, et qui sont une complainte de pauvres, mais une complainte en chantant, ce qui est un des moyens inventés par l’Homme, sur tous les lieux et en tous temps, pour soulager sa peine…

La jeune artiste (elle n’a pas trente ans) qui a grandi à New York, a choisi récemment de s’installer à La Nouvelle-Orléans, où elle explique qu’elle a trouvé un environnement culturel plus en harmonie avec ses origines. « Blue Runner », pièce instrumentale, se déploie ainsi sur un rythme cajun, et l’oreille se surprend de l’étonnante parenté sonore entre le violoncelle et l’accordéon, qui était l’instrument qui accompagnait traditionnellement ces danses cajuns. D’autres chansons, comme « Vietnam », sont de douces balades folk, chantées en anglais, qui rappellent une Katie Melua, autre immigrée, Géorgienne vivant en Grande-Bretagne.

L’artiste explique ainsi sa création :
«Les titres (de cet album) sont directement inspirés de mon expérience personnelle de fille d’immigrants haïtiens et de ma vie en Louisiane. Mon identité haïtienne est très forte mais mon « américanéité » est tout aussi indéniable. A différentes périodes de ma vie, ce chevauchement d’identités a créé en moi un conflit déstabilisant. Quand j’ai quitté New York pour m’installer en Louisiane, j’ai trouvé quelques échos de mon héritage culturel dans les rues de La Nouvelle-Orléans (…) et à travers mes origines, j’ai ressenti une connexion très forte avec la musique et la culture louisianaises (…) Pour cet album, la sagesse du proverbe « A day for the hunter, a day for the prey » (un jour chasseur, un jour chassé) m’a aidée à comprendre l’histoire et la culture de Haïti, mais aussi de la Louisiane et des Etats-Unis. Quand les fondements des systèmes politiques et des gouvernements se délitent au point même de se retourner contre leurs citoyens, le monde devient sans pitié et chacun cherche à sauver sa peau. Mes chansons illustrent cette lutte, posent la question de notre humanité et font écho à la recherche d’une vie digne d’être vécue en dépit de circonstances parfois contraires. Tantôt chasseur, tantôt chassé…»

Un talent qui a déjà propulsé la jeune artiste sur les scènes des festivals du monde entier (l’artiste est l’une des vedettes du festival Jazz sous les Pommiers, à Coutances en France). Et un album qui fait du bien à l’âme…

www.leylamccalla.com

www.jazzvillagemusic.com